« Collectif Variations »

Séminaire-Atelier de traduction littéraire

 Proposé par Antoine Cazé, Anne-Laure Tissut et Emmanuelle Delanoë-Brun

Ce nouveau séminaire-atelier au sein de du projet FLT se propose de réfléchir à la double question de la variation et du collectif en traduction.

Quiconque a pratiqué la traduction sait combien il s’agit d’une entreprise collective, à rebours de l’image du traducteur/auteur à sa table de travail. Fruit de la rencontre entre un texte et des langues, la traduction est au moins duale dès l’origine. Mais surtout, en offrant au traducteur la possibilité de dire dans sa traduction « presque la même chose » que ce qu’exprime l’original, pour reprendre la belle formule d’Umberto Eco, l’acte de traduire invite à la multiplicité. Celle-ci se manifeste sous la forme de la variation, qui s’inscrit précisément dans le registre du « presque » : comme dans son acceptation musicale, la variation redit, sous des contours et des atours changeants, l’obsession d’un « thème », cherchant à faire entendre en filigrane, presque en fantôme, l’original à mesure qu’elle en déploie les harmoniques et en parcourt les possibles dans ses langues. Pourtant, pour que le traducteur – cet expert en variation si habile au camouflage – accomplisse son œuvre, un choix doit finalement venir arrêter la déclinaison potentiellement infinie des variantes. Pour autant, le choix ne saurait être final, il ne peut être qu’une des possibles survies de l’œuvre, une de ses « vies continuées » (Fortleben) selon le mot de Walter Benjamin dans « La tâche du traducteur », dont le déploiement infini, à travers les langues et les temps, assure à l’œuvre son statut.

Partant de ce lieu commun de la traduction selon lequel il existe autant de traductions qu’il y a de traducteurs, ce séminaire voudrait explorer les potentialités de la traduction collective en littérature, afin de mieux comprendre les enjeux linguistiques, esthétiques, historiques, voire politiques et juridiques, de cette pratique centrale des groupes humains. Comment les variations/variantes s’articulent-elles en traduction ? Comment la singularité du choix s’accomplit-elle à partir du jeu entre les variations collectives ? Quels enrichissements le collectif traductif permet-il par rapport à la pratique solitaire, et quelles transformations induit-il ? Quelle éthique traductive est engagée par une pratique collective de la traduction ?

Ces questions se posent avec d’autant plus d’acuité à l’heure où l’intelligence artificielle prend un ascendant considérable sur les pratiques de la traduction, dont elle bouleverse déjà les métiers. Fondée sur la collecte de données dont l’Internet permet l’apparente mise en commun, l’IA interroge la frontière entre pensée individuelle et communauté, jusques et y compris sur des questions fondamentales de propriété intellectuelle. Un collectif situé de traducteurs humains offre-t-il la possibilité d’un dialogue avec les processus de collecte de données, rassemblées par la seule raison statistique, qui ne tournerait pas à la confrontation entre auteur identifiable et texte sans sujet ?

Ce séminaire-atelier alternera des séances théoriques (séminaire) et des séances de pratique collective (ateliers) sur des textes préparés en amont par les participants.

Responsable :

Antoine Cazé

Programme janvier-juin 2026

  • Jeudi 22 janvier
    Mathieu Duplay (Université Paris Cité)
    « Une traduction à plusieurs mains : traduire Let the Record Show: A Political History of ACT UP New York, 1987-1993 de Sarah Schulman »
  • Jeudi 19 février
    Lecture collective :
    Anthony Cordingley & Céline Frigau-Manning, éds., Collaborative Translation from the Renaissance to the Digital Age, Bloomsbury, 2016
  • Jeudi 19 mars
    Pauline Jaccon (Université Paris Est Créteil)
    « Regards croisés : la traversée du poème à traduire, d’une subjectivité à l’autre »
  • jeudi 2 avril
    Laetitia Sansonetti (Université Sorbonne Nouvelle)
    « La traduction-relais comme forme de traduction collective : le cas des volumes quadrilingues dans l’Angleterre de la première modernité »
  • Jeudi 21 mai
    Camille Bloomfield (Université Paris Cité), Ludivine Bouton-Kelly (Université d’Angers), Santiago Artozqui (traducteur littéraire), Chris Clarke (University of Connecticut, sous réserve)
    « L’Ouvroir de translation potencial (Outranspo) : 11 ans de pratique en collectif de la traduction expérimentale »
  • Jeudi 25 juin
    Antoine Cazé (Université Paris Cité)
    Atelier : « Traduire The Grand Piano : un projet de traduction collective d’une œuvre collective »

Les séances ont lieu de 17h à 19h, Bâtiment Olympe de Gouges (Campus des Grands Moulins, Place Paul Ricœur, Paris 13e), salle 830 (8e étage), et en ligne