Denis Eve soutiendra sa thèse de doctorat en histoire et civilisations (ED 624) intitulée « La sidérurgie cistercienne en Champagne méridionale et Bourgogne septentrionale à l’Époque moderne (de la fin du XVe siècle à la Révolution française) »
Mardi 9 décembre à 14h00, salle 105, Bâtiment Olympe de Gouges, place Paul Ricoeur, (Campus Grands Moulins).
Le jury est composé de :
– Jérôme BURIDANT, Professeur en géographie, Université de Picardie, EDYSAN (rapporteur)
– Jawad DAHEUR, Chargé de recherche, CNRS CERCEC (examinateur)
– Raphaël MORERA, Directeur de recherches, CNRS EHESS CRH (rapporteur)
– Daniel FISCHER, Maître de conférences en histoire moderne, Université de Lorraine CRULH (examinateur)
– Liliane HILAIRE-PÉREZ, Professeure en histoire moderne, Université Paris Cité, ÉCHELLES (directrice de thèse)
– Catherine VERNA, Professeure d’histoire médiévale, Université Paris 8, ARSCAN (examinatrice)

Résumé :
Cette thèse porte sur la sidérurgie cistercienne à l’époque moderne en Champagne méridionale et Bourgogne septentrionale. Elle analyse la production de fer dans des usines appartenant à quatre abbayes de l’ordre de Cîteaux : Auberive, Clairvaux, La Crête et Longuay. Ces établissements possèdent la caractéristique d’avoir développé, dès le XIIe siècle, une activité sidérurgique. Si la période médiévale est bien connue, l’Époque moderne ne l’est quasiment pas. Pourtant, cet intervalle de trois siècles est fondamental. Il correspond à l’adoption par les moines blancs, à la fin du XVe s., d’une nouvelle méthode de fabrication du fer, le procédé indirect, et à son essor jusqu’à sa pleine maturité au XVIIIe siècle. L’apport du temps long est de pouvoir suivre pendant trois cents ans, l’évolution d’usines restant dans les mains d’une même abbaye de leur création à leur vente à la Révolution. Il est ainsi possible d’appréhender dans son ensemble l’impact environnemental d’une innovation technique majeure. En effet, les abbayes cisterciennes vont mettre, en grande partie, à disposition des locataires de leurs forges et fourneaux leur patrimoine. Celui-ci est à la fois juridique, avec les droits sur l’eau, foncier avec les terres desquelles est extrait le minerai, sylvicole, avec les vastes domaines forestiers et immobiliers. Ce travail de recherche croise donc à la fois l’histoire des techniques, l’histoire de l’environnement et l’histoire économique. C’est une réflexion sur la consommation de matières premières et d’énergie liée à un nouveau procédé de fabrication. Le procédé indirect réclame en effet, de nouvelles installations sidérurgiques qui nécessitent la force d’une énergie hydraulique pour faire tourner les roues. Les abbayes bâtissent donc un patrimoine sidérurgico-hydraulique. Les différentes usines (forges, hauts-fourneaux, lavoirs à mine, bocard) profitent de la maîtrise de l’eau cistercienne (aménagements hydrauliques et connaissance des sites) pour les installer. Cependant, leur confrontation avec la réalité, principalement les besoins concrets en énergie et les conflits, modifie ce patrimoine jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Le contrôle de cette énergie essentielle requiert un entretien permanent et coûteux. La mise en place du nouveau système technique bouleverse aussi la consommation de matières premières. La principale d’entre elles, le bois, est utilisée comme matériau de construction et surtout comme énergie thermique dans les différents foyers du processus. Sa gestion, grâce à une sylviculture durable avec l’instauration d’une révolution des coupes, est soutenue par une politique forestière monarchique de plus en plus intrusive. Malgré l’ordonnance de 1669, le système atteint ses limites à la fin du XVIIIe siècle, quand se multiplient les tensions et se diffuse le sentiment d’une disette de bois. L’autre matière première sollicitée est le minerai de fer. Les techniques d’extraction assez simples à seulement quelques mètres de profondeur, bouleversent les qualités pédologiques des sols et créent des tensions dans des communautés majoritairement agricoles. Néanmoins, l’activité est appuyée par une règlementation royale, dont les maîtres de forges profitent. Les abbayes cisterciennes soutiennent le développement du procédé indirect qui bénéficient de leur patrimoine, surtout forestier, et assurent jusqu’à 50 % de leurs revenus à la fin du XVIIIe siècle. La nouvelle méthode change en profondeur le rapport à l’environnement, dont les cisterciens profitent en devenant des rentiers du bois grâce à leur immense domaine forestier. Cependant, la sidérurgie n’a plus de réelles spécificités cisterciennes, les abbayes se comportant comme tout autre grand seigneur.
Mots clés : Abbaye, cistercien, procédé indirect, forge, haut fourneau, minerai de fer, sidérurgie, forêt, énergie hydraulique.