Vernon Lee et l’héritage culturel européen :
Influences réciproques et dialogue intermédial
(18-19 septembre 2025)
ECHELLES UMR 8264 / CELIS UR 4280
La production artistique de Vernon Lee (1856-1935), auteure et essayiste britannique, cosmopolite et européenne avant l’heure, couvre un très vaste domaine qui s’étend des fictions néo-gothiques aux récits de voyage, en passant par la théorie esthétique, le théâtre et les essais politiques. Cette œuvre instaure un dialogue particulier avec la tradition littéraire passée et contemporaine, qu’il s’agisse de la littérature fantastique (Hauntings, 1890) ou des auteurs du mouvement décadent comme Oscar Wilde, voire des auteurs français (notamment Théophile Gautier avec qui elle partage un intérêt pour les œuvres de l’Antiquité). Mais au-delà de cette dimension intertextuelle, le lecteur est frappé par la part essentielle que joue dans cette œuvre le discours sur l’art dans son ensemble —par exemple dans Belcaro (1881) ou Renaissance Fancies and Studies (1895) — à tel point que certaines nouvelles sont construites en référence directe à des tableaux ou à des pièces musicales spécifiques — comme l’opéra Don Juan dans « The Virgin of the Seven Daggers ». De même, « Amour Dure » réinvente le célèbre portrait de Lucretia Panciatichi, peint par le Bronzino, et « Winthrop’s Adventure » et « A Wicked Voice » sont basés sur le mythe populaire du célèbre castrat Farinelli et sur son portrait, « Il Farinelli » de Corrado Giaquinto. On peut donc se demander dans quelle mesure cette place ménagée aux autres arts dans l’écriture de Lee (sans doute influencée par le retour des études sur la Renaissance, initié par Walter Pater) aboutit à la construction d’une esthétique véritablement intermédiale, qui mêle les procédés narratifs littéraires à une esthétique plus large (picturale et musicale) qui serait évoquée et mise en œuvre dans les textes. Cette présence d’une pluralité d’influences dans les textes se vérifie également à un autre niveau, à savoir dans l’approche mythographique qui fait en partie l’originalité de l’auteure. Vernon Lee se réfère très souvent à un matériau issu de l’Antiquité ou du fonds folklorique pour développer la trame de ses récits. Par exemple, « Prince Alberic and the Snake Lady » réécrit le mythe de Mélusine ainsi que la Lamia de Keats. Ici encore, deux niveaux d’analyse peuvent se rejoindre : comment comprendre cet emprunt aux mythes, et quelles modalités sont-elles mises en œuvre pour intégrer dans le texte littéraire ces récits ou ce fonds mythiques dont les supports (tradition orale, littérature antique) diffèrent le plus souvent du cadre dans lequel ils sont transposés ? Il s’agira donc de poser la question des modalités de ce dialogue entre les arts, de ses motivations (pourquoi Lee choisit-elle de revisiter certains mythes et certaines œuvres du passé ?) et des conséquences de cette relecture sur sa pratique de l’écriture. L’intégration de ces sources intermédiales mettra en évidence chez Lee le désir de réviser une tradition établie de façon personnelle, parfois iconoclaste, afin que ces influences ne résultent pas dans une forme d’angoisse (Harold Bloom) mais dans une créativité renouvelée.
Comité scientifique
Christophe Gelly (Université Clermont Auvergne)
Sophie Geoffroy (Université de la Réunion)
Xavier Giudicelli (Université Paris Nanterre)
Emilie Laurent (Université Clermont Auvergne)
Laurent Mellet (Université Toulouse Jean Jaurès)
Michel Prum (Université Paris Cité)
Laurence Roussillon Constancy (Université de Pau et des Pays de l’Adour)
Conférenciers invités
Pr. Sophie Geoffroy (Université de la Réunion)
Présidente fondatrice de l’International Vernon Lee Society, elle dirige le journal The Sybil. En 2001, elle a traduit plusieurs des récits fantastiques de Lee en français. En 2017, elle a publié Les Femmes et la Pensée Politique : Vernon Lee et les Cercles Radicaux qui regroupe des essais issus de deux colloques internationaux organisés à Paris en octobre 2013 et mars 2015. Ses travaux récents incluent une édition critique de la correspondance de Vernon Lee aux éditions Routledge (Selected Letters of Vernon Lee) en collaboration avec Amanda Gagel. Trois volumes sont déjà parus.
Pr. Catherine Maxwell (Queen Mary University, London, UK)
Le professeur Maxwell est spécialiste de l’esthétisme et du mouvement décadent, et travaille sur les arts visuels, le genre et la sexualité, l’hellénisme et les mythes classiques, ainsi que sur l’influence du Romantisme. Elle est l’auteur de huit articles sur Vernon Lee et des essais suivant : The Female Sublime from Milton to Swinburne : Bearing Blindness (Manchester University Press, 2001), Swinburne (Northcote House/Liverpool University Press, 2006), Second Sight : The Visionary Imagination in Late Victorian Literature (Manchester University Press, 2008), et Scents and Sensibility : Perfume in Victorian Literary Culture (Oxford University Press, 2017), récompensé en 2018 par le prix de la société ESSE (European Society for the Study of English). Avec Patricia Pulham, elle a coédité l’édition Broadview des textes de Vernon Lee intitulée Hauntings and Other Fantastic Tales (2006) et un recueil d’essais, Vernon Lee: Decadence, Ethics, Aesthetics (Palgrave Macmillan, 2006). Avec Stefano Evangelista, elle est l’éditrice de la série MHRA Jewelled Tortoise qui publie des éditions de textes esthétiques et décadents. Son dernier projet est une monographie intitulée « The Flowers of Victorian Poetry: Cultivating the Imagination », sous contrat avec Oxford University Press.