Sylvie Bauer


Professeure - accueil en délégation 2025-2026
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Présentation
La recherche que je mène se concentre sur la littérature américaine contemporaine et plus particulièrement sur l’œuvre d’écrivains comme Walter Abish, Donald Barthelme, Philip Roth, Colson Whitehead, Percival Everett, Richard Powers, Grace Paley, Steve Tomasula, Don DeLillo, Cormac McCarthy, Brian Evenson, Lance Olsen, Octavia Butler, David Foster Wallace, Philip K. Dick, Dave Eggers, Ben Marcus, Eugene Marten…
Le premier axe concerne les questions liées à la langue, tout à la fois force de contrainte et d’enfermement dans des structures d’ordre, et simultanément pouvoir infini d’un langage qui ne cesse de déjouer les règles, les conventions et les cadres imposés par les forces sociales et politiques à l’œuvre dans la réalité. Mes travaux tentent d’explorer le pouvoir du langage dans l’écriture de fiction, qui se prête plus que toute autre à interroger le rapport du mot au monde. Il s’y noue un vacillement de la langue qui la défamiliarise, la rend étrangère à elle-même et au lecteur. S’opère, alors, selon les termes de Gilles Deleuze « une décomposition ou une destruction de la langue maternelle, mais aussi l’invention d’une nouvelle langue dans la langue ». L’écriture de fiction serait alors ce qui permet de créer des devenirs, susceptibles de reconfigurer notre perception du monde. Les textes auxquels je m’intéresse exhibent la matière de la langue, non tant pour faire œuvre de dextérité linguistique et ludique que pour poser la question de l’humain et du lien entre le mot et le monde. En exhibant la lettre, le plus petit signe de la langue écrite, ces textes donnent corps à la langue et en dénoncent l’illusoire transparence.
Ce rapport au corps – corps du texte, corps signifiant, corps désincarné – constitue un deuxième axe de recherche qui part de l’idée développée, entre autres, par Jean-Luc Nancy qu’« écrire touche au corps par excellence », que tout, dans l’écriture, vise à écrire le corps. Tout se passe comme si l’enjeu de l’écriture n’était rien d’autre que le corps, dans un rapport tendu de disjonction entre la construction du sens et le pouvoir qu’a un texte littéraire d’affecter le corps, par exemple celui du lecteur. Poser l’écriture comme indissociable du corps soulève la question du rapport entre corps et langage, ce qui permet d’amorcer une réflexion sur la corporéité du texte, si l’on considère que la langue, loin de n’être que médiation ou vecteur de représentation, est à considérer comme corps et corps constitué en corpus. Le travail sur les poétiques du corps pose alors la question du pouvoir performatif des actes de lecture et d’écriture, Si l’œuvre littéraire peut être considérée comme performative, alors il s’agit peut-être de tenter de cerner en quoi, dans ses choix esthétiques et dans le rapport qu’elle établit au monde, elle implique « des stratégies politiques et métaphysiques, que l’auteur en soit conscient ou non » (Lance Olsen).
En d’autres termes, le troisième axe qui guide ma recherche est celui du rapport de l’écriture au réel, qui s’accompagne d’une réflexion sur la valeur performative de la fiction. Il s’agit alors d’analyser en quoi l’acte de lecture, tout autant que l’acte d’écriture, relève d’un engagement, d’un geste esthétique et politique. Corpus plus que corps pleins, les textes auxquels je m’intéresse parlent tout autant d’écriture qu’ils invitent à interroger l’acte de lecture et le rapport du texte littéraire à la réalité. Cette thématique envisage le rapport entre littérature contemporaine, d’une part, philosophie et politique de l’autre. Les formes hybrides qui caractérisent ces textes se nourrissent de et avivent la mémoire collective. C’est peut-être en cela que la littérature fait œuvre politique, dans le mélange des genres qui fait que le discours théorique – littéraire, mais aussi et surtout philosophique et politique –et les ouvrages de fiction se répondent et s’imbriquent. C’est dans cette optique que je voudrais pousser plus loin une réflexion sur le lien entre politique et littérature, à savoir poser la question de la littérature comme geste politique et montrer qu’écrire et lire ouvrent la possibilité d’un espace politique. Il s’agit alors d’envisager la littérature comme praxis lorsque la langue sort de ses gonds, décadre, dé-catégorise et offre des horizons d’attente qui, s’ils ne changent pas le monde, en font au moins vaciller les certitudes.
Ce lien entre politique et littérature semble d’autant plus pertinent dans le contexte d’une littérature contemporaine qui pousse à s’interroger sur les reconfigurations de l’humain dans un monde où la technologie occupe une place de plus en plus importante. D’une part, il s’agit de tenter de cerner le contemporain dans son façonnage de l’humain et dans les représentations qu’en donne la fiction. D’autre part, il s’agit aussi d’examiner comment se nouent des rapports de domination, dont les modalités s’accommodent des hybridations technologiques à l’œuvre dans les textes, alors même que font surface des formes de biopouvoir auxquelles s’oppose une attention particulière à la vulnérabilité. Á nouveau, c’est dans ce que Jean-Jacques Lecercle nomme dans son dernier ouvrage « l’arme du langage » (Lénine et l’arme du langage, Paris : La Fabrique édition, 2024) que se noue ce rapport au pouvoir dans (et hors de) la fiction.
Parcours :
Ma carrière professionnelle s’est essentiellement déroulée dans l’enseignement supérieur, puisque, après avoir obtenu l’Agrégation d’Anglais en 1991 et effectué un stage dans le secondaire, j’ai été successivement ATER à l’Université de Limoges (1992-1993), et à l’Université Paris X-Nanterre (1993-1996). L’obtention, en 1996, d’un poste de Maîtresse de Conférences m’a ensuite permis d’exercer les fonctions d’enseignant-chercheur à l’Université Paris X jusqu’en 2013, lorsque j’ai été recrutée en tant que Professeure des Universités au département d’Anglais de l’Université Rennes 2. Je serai accueillie en délégation CNRS au sein de l’UMR ECHELLES pendant l’année 2025-2026.
Responsabilités scientifiques et pédagogiques :
Outre la direction du Master Recherche, que j’ai assumée jusqu’en 2018, j’ai dirigé l’équipe de recherche (EA 1796 ACE), de 2014 à 2023 (y compris deux périodes d’intérim, de janvier 2014 à septembre 2014, puis de septembre 2022 à janvier 2023). Dans le même temps, j’ai siégé au conseil d’UFR et à la Commission Recherche et au CAC et ai effectué deux mandats en tant que membre titulaire élu au CNU. Lors du second mandat, j’ai été élue présidente de la CP-CNU.
Thèmes d’encadrement, master et doctorat :
- Littérature américaine
Ouvrages publiés :
Co-direction, avec Claire Larsonneur, Hélène Machinal et Arnaud Regnauld, d’un ouvrage intitulé Subjectivités numériques et posthumain, Rennes : PUR, 2020
Co-direction, avec Nawelle Lechevalier-Bekadar et Florian Tréguer, d’un ouvrage intitulé Brian Evenson, l’Empire de la cruauté, Rennes : PUR, 2021
Ouvrages
Autres publications
Numéros de revues :
- Coordination avec Lucie Bernard et Hélène Machinal d’un numéro de revue intitulé Mutations 3 : Posthumain et écrans, Otrante n 51, printemps 2022, Paris : Editions Kimé
- Coordination, avec Juliana Lopoukhine d’un numéro de la revue l’Atelier, Vol. 14, No 2 (2023) : « L’Incongru », revue en ligne.
Articles et chapitres d’ouvrages :
- « “Literally Everything I Utter Is a Metaphor”: Thought Unhinged in The Water Cure and Percival Everett by Virgil Russell, by Percival Everett », Transatlantica [En ligne], 1 | 2020, mis en ligne le 01 décembre 2020, consulté le 16 mai 2021. URL : http://journals.openedition.org/transatlantica/15681 ; DOI : https://doi.org/10.4000/transatlantica.15681
- « “Perhaps one of them is the real me and I am the interloper” : l’humain en déroute dans The Warren, de Brian Evenson » in Revue des Sciences Humaines ,“Identités numériques et littérature”, Jean-François Chassay et Mara Madgda Maftei, eds. Lille : Presses Universitaires du Septentrion, n352, Octobre-décembre 2023, pp. 201-215
- « Illusion mimétique et agencements machiniques dans Galatea 2.2 de Richard Powers », in L’Age des postmachines, Boof-Vermesse, Isabelle et Jean-François Chassay, eds, Les Presses de l’Université de
- « De quoi Frankenstein est-il le nom dans American Desert, de Percival Everett ? in Frankenstein et sa culture, d’hier à aujourd’hui, Jean-François Chassay et Elaine Després eds, Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal, collection Cavales, Décembre 2023, pp.115-127